Emeline Beckmann: Langage, organisation politique et enjeux géopolitiques : les idéologies linguistiques au sein de l’internationalisme ouvrier (1864 à 1914)

Article publié le

Université: Université de Fribourg

Directeur de thèse: Prof. Dr. Alexandre Duchêne

A partir de 2022

 

Cette thèse propose d’analyser les idéologies langagières au sein du mouvement ouvrier international depuis le congrès de fondation de l’association internationale des travailleurs (A.I.T) jusqu’en 1914. La question langagière, qui n’est pas une préoccupation centrale des théoriciens socialistes du 19ème siècle, semble constituer pourtant un enjeu de communication important dans l’organisation du mouvement, qui se regroupe lors de congrès internationaux avec des délégués de divers pays européens. A travers une approche historiographique, ce travail essaie de restituer la manière dont les congrès internationaux s’organisent d’un point de vue linguistique ainsi que la signification politique que recouvrent ces modes de gestion du langage. Il distingue trois périodes charnières qui correspondent à trois différentes manières de gérer les enjeux linguistiques. En partant d’une simple conception organisationnelle, administrative et symbolique du langage, il est possible d’observer une évolution dans les débats qui décrivent peu à peu le langage comme un enjeu d’organisation politique qu’il s’agit de contrôler et à terme, d’institutionnaliser. C’est dans ce contexte d’institutionnalisation d’un certain plurilinguisme (bien souvent français, allemand et anglais) qu’apparaissent également les interprètes chargés de traduire les interventions lors des congrès, mettant ainsi en évidence certains désaccords relatifs à la stratégie politique à adopter. Ainsi, le langage devient le lieu par excellence où se joue l’universalité du socialisme. In fine, cette thèse cherche à comprendre comment la question du langage (du plurilinguisme) et de la traduction est à la fois essentielle pour défendre l’image d’un prolétariat unifié, mais aussi la manière dont elle témoigne des désaccords, conflits et évolutions qui sont à l’œuvre au sein du mouvement. Plus largement, une lecture linguistique du mouvement socialiste international permet aussi de mieux saisir la structuration géopolitique de ce dernier et la manière dont s’y reconfigurent les rapports de force.