Tibère Schweizer: Consigner, tracer, réguler l’élève : le carnet de devoir comme technique de gouvernementalité

Article publié le

Université: Université de Fribourg
Directeur de thèse: Prof. Dr Alexandre Duchêne
A partir de 2021

 

Au cœur du dispositif scolaire git un petit cahier dont chaque élève est pourvu. Sa forme revêt à la fois les traits du registre, du tableau calendaire, du relevé de notes et du cahier de communication. Le carnet de devoirs, objet dont la dénomination n’est pas fixée, mais que nous désignerons ainsi provisoirement, concentre une telle variété d’écritures qu’il est malaisé de lui assigner une fonction unique et stable. Il se présente comme un pivot scolaire où s’entextualisent à la fois des éléments d’anticipation (devoirs, évaluations à venir, évènements divers propres à la scolarité) ainsi que des éléments de mémoire (résultats d’évaluation, commentaires sur l’attitude scolaire, messages adressés aux parents, etc.) et des éléments de régulation (remarque sur le comportement, remarque sur le travail scolaire, conseils, encouragements, mises en garde, etc.). Il est le lieu où s’inscrivent à la fois des prescriptions comportementales, des logiques disciplinaires, des attentes et requis scolaires plus au moins explicites et des jugements sur l’élève et son travail. En tant que tel, il ouvre une fenêtre sur le fonctionnement de l’école et sur la relation au savoir de l’enseignant, de l’élève et des parents. Cette étude prend le parti de considérer le carnet comme une technique, en ceci que le carnet est à la fois un instrument qui implique des usages et  un moyen qui implique une finalité. Ainsi, sous le prisme de la technique, le carnet désigne aussi bien un petit livre voué à accueillir des écritures qu’un mode d’organisation scolaire. La question est de savoir quelles sont ces écritures, quelles sont leurs raisons d’être et quelles sont leurs implications au sein des techniques que l’école mobilise pour « gouverner » les élèves.