PROJET PH.D. — Durabilité & numérique // U-Fribourg
• Axe 1) éducation au numérique & Axe 2) éducation par le numérique

Article publié le

Doctorant : Mathieu Payn
Co-direction : Prof. Dr Pierre-François Coen (UniFR), Prof. Dr Lionel Alvarez (HEP|PH fr)
Financement : HEP|PH FR
Période : 2022-2025

L’impact des activités humaines est tel que nous mettons à mal les conditions de vie planétaires à court terme (Masson-Delmotte et al., 2021). Ce problème dû à ce que Lordon nomme écocide capitaliste (2020) est catalysé par le numérique et son économie florissante. La « digitalisation » de la société, ou plutôt le développement de nouveaux marchés dans le cyberespace (Ghernaouti-Hélie & Dufour, 2012), fait du numérique le secteur exponentiellement responsable du dépassement des limites planétaires (Flipo, 2020 ; Raworth & Bury, 2018).

Passant du collectif à l’individu, on voit les propriétés propres du numérique (ynternet.org & Bondolfi, 2016) être instrumentalisées dans des modèles d’affaires certes innovants, mais surtout foncièrement prédateurs. L’individu, son comportement, ses interactions et rêves sont capturés sous forme de données pour nourrir une économie oligopole de l’attention qui sert elle-même un capitalisme de surveillance (Zuboff, 2019) linguistique, comportemental et affectif (Favier, 2019 ; Molinier & Laugier, 2013).

Partant de ce double constat, je propose une alternative technologiquement solide, ancrée dans la pratique localisée d’enseignement et politiquement engagée (= responsable et durable). Malgré la tendance de l’externalisation/virtualisation de l’effort numérique par le cloud (XaaS), ce sont surtout les terminaux, et leur cycle de vie complexe, qui ont des conséquences environnementales crasses (Flipo et al., 2009). Faire durer la phase d’usage des ordinateurs, portables et ordinophones figure comme une piste sérieuse pour un usage durable du numérique (Institut du Numérique Responsable, 2020). Pour contrer l’obsolescence programmée (vendor lock-in, écosystèmes clos), la philosophie du libre (Cardon, 2019 ; Free Software Foundation, 2021), sa communauté FOSS et les systèmes d’opération (OS) GNU/Linux forment un socle éthique, communautaire et technique solide.

Dans ce cadre, une réhabilitation de vieilles machines constitue également une opportunité pour l’individu de s’approprier (Capucine, Blandine, & Jérôme, 2020) un outil qui serve sa réalisation personnelle plutôt qu’une économie dont le moteur est l’exploitation aliénante de l’humain par l’humain.

Le choix des ordinosaures pour l’éducation numérique à l’école publique est certes à contre-courant. Il y a donc la nécessité d’éprouver sa faisabilité. Pour ce faire, un travail de recherche en quatre axes est mené :

  • confronter les besoins en ressources matérielles (CPU, RAM et périphériques) des usages scolaires aux machines effectivement utilisées ;
  • analyser les discours des autorités scolaires ou de politiques éducatives pour identifier les enjeux de tension entre numérisation de l’école et durabilité ;
  • décrire un processus détaillé, tenant compte des contraintes de chaque acteurice, pour le reconditionnement de machine de seconde main pour les usages scolaires ;

pour finalement implémenter en contexte réel ces ordinosaures et éprouver la compatibilité avec les usages et les perceptions des différents acteurs concernés (enseignants, élèves, directions…).